Steppes mongoles parsemées de yourtes d’où la fumée du poêle s’élève vers le ciel, cavaliers nomades chevauchant leurs légendaires chevaux mongols comme une mémoire de l’histoire des grandes conquêtes de l’empire mongol du mythique guerrier Gengis Khan, chameaux de Bactriane, à deux bosses, qui arpentent nonchalamment le désert de Gobi… telles sont des images qui évoquent immanquablement la Mongolie et la culture mongole.
Immensité sauvage et quasiment intacte, la Mongolie est l’une des dernières terres vierges de notre planète. Montagnes, volcans, steppes mongoles multicolores, taïgas, déserts, forêts profondes, lacs originels, rivières pures et poissonneuses, glaciers, sources d’eau chaude, prairies verdoyantes… un voyage en Mongolie est une immersion dans une nature qui semble sortie tout droit de la Création ou d’un rêve !
Tengrii, le « grand ciel bleu », déroule en permanence un spectacle fabuleux. La faune et la flore sont diversifiées et exubérantes à la belle saison.
Au cœur de ses déserts, de ses steppes mongoles et de ses paysages saisissants de solitude, la Mongolie est une terre habitée, parcourue inlassablement par les Mongols. Le peuple mongol, amical et chaleureux, incarne l’esprit de cette nature rude qu’il aime et connait si bien, pour en dépendre. La moitié de la population nomadise librement dans les vastes steppes mongoles, vivant de l’élevage et des ressources naturelles selon des traditions millénaires. L’autre moitié, bien que « citadine » ne perd jamais une occasion, par plaisir ou par nécessité, de parcourir les steppes mongoles et de passer un temps en famille en yourte.
Nichée à l’extrême orient de l’Asie centrale, enclavée géographiquement entre la Chine et la Russie, la Mongolie n’en est pas moins un pays ouvert au monde. Un voyage en Mongolie est une découverte d’un pays libre et démocratique dont l’économie, marquée par l’écroulement d’un système communiste très solidement implanté, dépend en grande partie d’un cheptel vingt fois plus nombreux que les humains : moutons, chevaux, chameaux, chèvres, vaches et yaks pâturent en troupeaux semi-sauvages sur une terre grande comme trois fois la France ! Le nomadisme pastoral est l’un des fondements de la vie dans les steppes de Mongolie.
Le mode de vie traditionnel en Mongolie est donc celui du pastoralisme nomade dans les steppes mongoles.
Dans les grands espaces mongols où les animaux pâturent à leur guise, où les chevaux galopent sans aucune entrave, où les yourtes sont posées ici ou là sans contraintes apparentes… règne une sensation indéniable de liberté.
Les nomades des steppes mongoles vivent au rythme de la terre, au rythme de leur bétail. Leur vie est simple et guidée par la nature. La vie nomade répond aux exigences de la terre et aux besoins des troupeaux. Ce sont les saisons et les sols qui rythment la vie des nomades de Mongolie.
Les éleveurs nomades ne se déplacent pas dans les steppes mongoles de manière fantaisiste ou par simple besoin de se sentir libre d’aller où ils veulent ! Le nomadisme est dicté par le cheptel et les ressources de la terre qui nourrit ce cheptel. Le peuple nomade vit grâce à son bétail et c’est l’homme qui adapte son mode de vie à son bétail. La quête de nourriture pour le bétail est ce qui guide les déplacements des familles d’éleveurs nomades.
La terre est donc sacrée chez les nomades mongols, et elle est célébrée et respectée en permanence. Ce lien à la terre se ressent d’ailleurs dans la pratique des religions en Mongolie, dont la principale, le bouddhisme tibétain (il y a de très nombreux temples et monastères bouddhistes en Mongolie), est teintée de chamanisme et d’animisme.
En Mongolie, les écosystèmes sont d’une étonnante diversité et la vie des éleveurs nomades est intrinsèquement liée à l’écosystème dans lequel ils vivent : steppes mongoles, désert (Sud de la Mongolie : désert de Gobi), taïga, forêt ou montagne de haute altitude (Nord-Ouest de la Mongolie).
Il y a 5 espèces d’animaux dédiés à l’élevage chez les éleveurs nomades : moutons et chèvres (animaux à pattes courtes), yaks et bovins (animaux à pattes longues), rennes, chameaux et chevaux. Ils sont essentiels aux hommes pour leur lait, leur viande ou leur laine.
Par exemple la laine de yak ou de mouton est utilisée pour fabriquer le feutre isolant des yourtes, et la laine des chèvres cachemire pour la confection de vêtements. Pour se protéger du froid des hivers très rudes en Mongolie, particulièrement dans les steppes mongoles, les chèvres cachemire produisent un duvet secondaire en plus de leur poil permanent. C’est ce duvet secondaire, nommé cachemire, qui est récupéré par les éleveurs mongols par peignage des chèvres qui perdent naturellement leur poil au printemps, ou en tondant les chèvres. La qualité du cachemire de Mongolie est réputée comme étant la meilleure au monde.
La peau des moutons, bœufs et chèvres est transformée en cuir (artisanat, habillement, objets du quotidien), le crin de cheval en corde (entre autres pour la fabrication des yourtes et de certains instruments de musique traditionnelle), les os servent à la confection d’objets, jouets et instruments.
Les rennes, les chameaux et les chevaux servent également de moyen de transport pour le matériel et les hommes lors de leurs nombreux déplacements lors des transhumances dans les steppes mongoles.
Les Mongols sont traditionnellement des éleveurs des steppes mongoles depuis des siècles… depuis toujours peut-être !
La nature est rude pour les hommes en Mongolie : dans la majeure partie du pays, les terres sont pauvres et acides, ne permettant qu’à des lichens et herbes grasses de pousser. Les familles nomades doivent donc sans cesse se déplacer afin que leurs troupeaux trouvent de quoi se nourrir. Pour cette vie nomade dans les steppes mongoles, les yourtes, de structure en bois légère qui se montent et se démontent facilement et sont aisément transportables, sont l’habitat le plus adapté à ce peuple d’éleveurs.
L’élevage que pratiquent les pasteurs nomades est un savoir-faire complexe. Il faut savoir domestiquer les animaux, comprendre et contrôler leur alimentation et leur reproduction, avoir une réelle connaissance des cycles de la nature et des bêtes, connaitre la terre et les sols afin de choisir le plus justement possible les lieux de pâturages pour répondre aux besoins des différents types d’animaux, tout en prenant en compte les notions de renouvellement naturel des pâturages et de quantité juste de pâturages.
C’est pourquoi les campements nomades ne sont pas des grands regroupements de familles : il faut être suffisamment loin des autres familles et de leurs troupeaux pour que chaque famille dispose de la nourriture nécessaire pour ses bêtes.
Les éleveurs mongols ont également acquis un savoir-faire précieux d’artisans, afin de transformer des produits d’origine animale en nourriture, habillement, objets du quotidien, logement, distractions, jeux, logement, etc.
En moyenne, on dénombre 20 têtes de bétails par habitant… à raison de 3 millions d’habitants… 60 millions de têtes de bétails (dont autant de chevaux que d’êtres humains, sachant que les chevaux vivent à l’état semi-sauvage en Mongolie). Cela met en perspective le lien entre l’animal et l’homme, le lien entre la survie de l’animal et celle de l’homme.
Malgré ce nombre impressionnant de bêtes, l’empreinte écologique de l’élevage en Mongolie est exemplaire. D’une part, il n’y a aucun intermédiaire entre l’éleveur et le consommateur (évidemment, le régime mongol est très carné !) : l’impact carbone est donc nul. D’autre part, le bétail se nourrit de l’herbe des pâturages, vit en extérieur et en totale liberté, et n’est soumis à aucun traitement sanitaire : la sélection naturelle est la seule loi qui régit la vie du bétail (d’ailleurs en Mongolie il n’est pas rare de voir des carcasses animales dans la steppe).
Les grandes transhumances des pasteurs mongols ne se font donc pas au hasard : elles suivent des contraintes naturelles et des traditions ancestrales. Les familles nomades se déplacent à chaque saison et les transhumances se font vers les pâturages adéquats : Uvuljuu (qui veut dire « transhumance vers les pâturages d’hiver » en langue mongole khalkha), Khavarjaa (vers les pâturages de printemps), Zuslan (vers les pâturages d’été) et Namarjaa (vers les pâturages d’automne).
En été et à l’automne, les nomades mongols se déplaceront plusieurs fois afin de toujours fournir à leurs bêtes les pâturages les plus abondants possibles pour qu’elles engraissent, en prévision de l’hiver, en broutant de l’herbe bien grasse et bien fraîche. En été, lorsqu’il fait chaud, les familles laissent en général leurs affaires dans leur yourte principale et se déplacent avec une yourte plus petite, plus légère et avec le moins de matériel possible.
En hiver et au printemps, afin de dépenser le moins d’énergie possible, les troupeaux des steppes mongoles ne sont pas déplacés et les familles installent leur campement pour plusieurs mois.
En hiver, les familles construisent des enclos, isolés par un sol fait d’excréments d’animal séchés, afin que les animaux soient abrités. Au printemps (les animaux sortent éprouvés des hivers très rudes de Mongolie), les éleveurs des steppes mongoles choisissent des pâturages qui n’éprouvent pas les bêtes, c’est-à-dire sans rochers et sans marécages ou sols glissants.
Les distances parcourues par les familles nomades et le bétail varient en fonction de l’environnement dans lequel ils évoluent. Dans les régions où il pleut relativement suffisamment, les familles se déplacent de six à huit fois par an, et parcourent une vingtaine de kilomètres à chaque fois.
Dans les régions arides ou montagneuses, les distances parcourues sont beaucoup plus longues : les familles nomades peuvent parcourir plus de 150 kilomètres dans les steppes mongoles. Un exemple flagrant du lien entre la vie des nomades et les conditions climatiques s’observe dans le désert de Gobi : grandes sécheresses et chutes importantes de neige peuvent contraindre les nomades à se déplacer sur de très longues distances pour trouver eau et pâturages en suffisance pour les bêtes.
Les transhumances des familles de pasteurs nomades au cœur des steppes mongoles sont des événements importants de la vie dans les steppes mongoles et se font dans le respect de coutumes et traditions ancestrales.
Le chef de famille se sera paré de ses plus beaux habits et aura chevauché son meilleur cheval pour trouver les nouveaux pâturages. Quand il aura choisi l’emplacement parfait, il placera au sol trois pierres, symbole du foyer, pour marquer l’emplacement du futur campement. La famille choisira alors un jour favorable à la transhumance (ils s’en remettent à leurs connaissances et aux esprits de la Nature, faisant parfois appel à des rituels chamaniques) et commencera à emballer les objets domestiques.
C’est le jour du départ que la yourte familiale sera démontée et chargée sur une charrette tirée par des bêtes. Sur la charrette de tête, seront déposés les objets de valeur de la famille : le foyer (poêle) et le cadre du toit de la yourte, le coffre, les icônes religieuses, les objets personnels du chef de famille.
L’hospitalité mongole est une tradition ancestrale et un mode de vie dans les steppes mongoles. La coutume veut que les voyageurs s’arrêtent à chaque campement croisé le long du chemin, pour boire le fameux thé au lait salé (l’airag).
Ainsi la famille qui se déplace fera de nombreux arrêts en cours de chemin, et une fois installée dans son nouveau campement, elle invitera ses nouveaux voisins (qui habitent à plusieurs kilomètres évidemment !).
L’hospitalité, l’entraide et la solidarité sont une condition de survie pour ces peuples nomades des steppes mongoles.
Un voyage en Mongolie est une expérience marquante et unique, une immersion dans un quotidien radicalement différent du nôtre. C’est approcher un autre temps, une autre histoire, une autre culture, un autre mode de vie. Le peuple mongol est à la fois pleinement ancré dans la réalité de maintenant et à la fois très empreint de l’histoire des grandes conquêtes de l’empire mongol fondé par Gengis Khan, figure majeure de Mongolie.
La vie des pasteurs mongols dont l’âme est profondément nomade, l’infini sans limites des steppes mongoles, la beauté sauvage de ses ciels, le lien à la Nature et au Vivant… font de la Mongolie et du peuple mongol un pays et un peuple profondément attachants et emplis de sagesse.
Aux tristes cris innocents des chameaux tournant autour de leur piquet
Le ciel de l’automne pâlit comme une triste âme chagrinéе
Sur la terre bercée par la douce mélodie dont on ne peut pas se lasser
Ruissellent des pensées mélancoliques et souffle le vent de l’automne.
Aux jours où les herbes sèches s’étendent les unes contre les autres
Aux jours qui s’en vont comme d’agiles cavales
Le deel* léger d’automne ne me protège pas assez
Et la mélodie des chansons populaires résonne dans mon esprit distrait.
La caresse du vent sur les cheveux m’a éclairci l’esprit
Mon âme comme une corde musicale est touchée
Par les chants des oiseaux
Je chante en émoi dans les dunes jaunes et jaunes
Je suis là retrouvant mes raisons et égarements.
Avec toute la force de mon âge où la colère et l’orgueil s’équilibrent
J’ai monté une tente bleue et neuve au vent de la steppe,
En couvrant de givre les boutons en argent du revers du deel en drap
Je me suis éloigné avec le temps et les mirages.
Dans la vie, tantôt éloge tantôt critique
Souffle le vent de l’automne du gobi, chassant la poussière de mon chapeau
Et en m’offrant le khadag** de la rencontre et de la félicité
L’automne du gobi est de retour pour offrir mon âge à mon plus jeune frère.
*deel : costume traditionnel des Mongols
**khadag : écharpe traditionnelle de prière aux esprits chez les Mongols. Elle symbolise la pureté, la bienveillance, le bon présage et la compassion.
Arlaan Erdene-Ochir, poète et journaliste mongol
L’automne du Gobi. Editions Kapaz