Un voyage dans le Sahara algérien est une invitation à découvrir la culture touarègue.
Chez les Touaregs, les traditions sont essentiellement orales. Histoires et légendes touarègues sont transmises oralement, principalement par les femmes, au sein des familles et lors des cérémonies de mariage.
Ce sont également les femmes qui éduquent les enfants et leur enseignent le takarakit (ou ashak), le code moral qui définit les règles sociales et valeurs fondamentales du peuple Touareg : respect des ancêtres et des aînés, dignité, solidarité, courage, politesse, retenue… Le takarakit (ou ashak) est un pilier de la culture touarègue.
La poésie est un art majeur dans la littérature orale de la culture touarègue. Elle est composée essentiellement par les hommes mais il y a aussi des femmes poètes. Les poèmes parlent d’amour, de mort, de solitude, du désert du Sahara, du bétail, de la sécheresse, de l’exil, de l’absence de l’être aimée, de la vie des populations nomades du désert… La pudeur étant de mise chez les Touaregs, les poèmes sont souvent imagés et métaphoriques, et ils sont déclamés ou chantés lors de cérémonies où les jeunes hommes rivalisent pour séduire les jeunes femmes.
Hier dans l’après-midi, Dieu le sait,
J’étais seul au pied de rochers surplombants ;
je m’évanouissais d’amour ; l’eau ne me désaltérait pas tant mon cœur brûlait.
Celle que j’ai quittée à l’heure du lever des troupeaux […],
c’est elle qui a allumé dans mon cœur un grand feu.
Son amour brûle comme la fièvre qui règne au temps de la maturité des premières dattes,
il brûle comme le mal qui saisit celui à qui on a jeté un sort,
comme les élancements du foie, comme le brisement du tibia,
comme l’ophtalmie à laquelle on n’applique pas de remède,
comme la nouvelle de la mort d’une personne chérie…
Le confluent de la vallée d’I-n-ezzebâren en aval du col,
là où le pied des montagnes meurt auprès des dunes,
c’est là que j’étais la nuit passée, couché comme
un homme qui se meurt, à qui il ne reste qu’un souffle de vie.
Mon mal n’est pas une maladie, c’est l’amour d’une femme,
plus brûlant que de la terre sur laquelle est un brasier, plus brûlant
que les balles des Turcs reçues en plein front…
En ce jour que j’ai quitté Tella,
elle tenait une réunion galante pour les personnes présentes ; je suis parti
l’âme brûlée de douleur, le cœur embrasé,
semblable à un tison enflammé
sur lequel souffle le vent et qui brûle de tous côtés.
Je prie Dieu de me faire voir celle que j’aime
pour que je ne meure pas ici de la douleur de son absence…
Poésie touarègue du Hoggar
La musique touarègue traditionnelle est jouée lors des fêtes traditionnelles, des mariages et fêtes religieuses (célébrations de l’Aïd par exemple).
La fête de la Sebiba à Djanet, les Festival de l’Aïr à Iferouane ou la fête de la Cure salée à Ingall au Niger, sont des moments de grands rassemblements des tribus touarègues des diverses confédérations qui permettent à la culture touarègue de s’exprimer dans toute sa richesse.
Comme nous l’avons évoqué dans les rythmes du Sahara, un instrument symbolique de la musique touarègue est l’imzad, un violon monocorde dont jouent exclusivement les femmes.
Le tindé est le principal instrument de percussion de la musique touarègue : c’est un petit tambour couvert de peau de chèvre. Il est joué principalement par les femmes mais aussi par les hommes.
Les rythmes de la musique touarègue sont soutenus par des claquements de mains, parfois par des tambours à eau ou des calebasses.
Depuis les années 1980, un nouveau style est apparu dans la musique touarègue : le Blues touareg, qui s’inspire de la culture touarègue musicale traditionnelle, et utilise des instruments tels que la guitare électrique et la guitare acoustique.
Des groupes Touaregs de renommée internationale nous permettent aujourd’hui de découvrir cette musique contemporaine touarègue.
Un groupe de femmes nigériennes, originaires d’Abalak, au Sud-Ouest d’Agadez au Niger, Les Filles de Illighadad, mêlent instruments traditionnels et guitare électrique et reprennent des chants traditionnels. Nous vous encourageons à les écouter, c’est vraiment très beau : Les Filles de Illighadad – Tende et Les Filles de Illighadad – Nimas Wadnat Chitawen
Le groupe malien Tinariwen est originaire de Tessalit au Nord-Est du Mali dans l’Adrar des Ifoghas et de Tamanrasset : Tinariwen – Nox Orae 2022 ou leur concert live à KEXP : Tinariwen – Full Performance (Live on KEXP). Et, à ne pas manquer la Session live de Tinariwen enregistrée au Maroc, en juin 2019, au Festival Gnaoua et Musiques du Monde (Essaouira) !
Le groupe Imarhan est originaire de Tamanrasset dans le Sud algérien : pour écouter un de leurs concerts : Imarhan 2019 Nürnberg
Originaire de Tamanrasset également (désert algérien), le groupe Tikoubaine mêle différents styles musicaux, tels que « Sahara blues » et « Assouf » (style musical touareg populaire), et aussi reggae, rock et folk. Vous pouvez par exemple les écouter lors d’un concert à Montréal : Montréal – Une ambiance du désert – Hoggar
Une très belle émission évoque d’ailleurs les groupes Tinariwen et Imarhan : l’émission La série musicale sur France culture : De Tinariwen à Imarhan : le souffle du désert blues
Les hommes Touaregs, encore aujourd’hui, portent bien souvent l’habit traditionnel touareg composé d’un Takakat, une longue gandoura en coton qui couvre l’Ekerbey (un pantalon, connu sous le nom de sarouel). Aux pieds, ils portent des sandales en cuir teint appelées Iratimen. Au cou, les Touaregs portent une grande bourse décorative faite en cuir teinté, et ils ont souvent en main un porte clé confectionné en lanières de cuir. Certains d’entre eux portent également à leur taille la Takouba, l’épée traditionnelle touarègue.
L’homme Touareg, et c’est sans doute LE signe emblématique de la culture touarègue chez les hommes, porte un très long turban, le Tagelmoust, enroulé autour de sa tête pour se protéger du sable, du vent, du froid, du soleil… Le Tagelmoust ne laisse entrevoir que les yeux et le haut du nez. Les jeunes hommes commencent à le porter à leur maturité, une fois le rite de passage à la virilité passé.
Le Tagelmoust est de différentes couleurs (bleu, jaune, vert), mais on peut distinguer deux couleurs qui ont une signification particulière. Le Tagelmoust blanc est porté en signe de respect. Le Tagelmoust teinté à l’indigo, appelé Alesho, est en lin et est porté les jours de fêtes (et lorsqu’il fait très froid car le lin est plus chaud que le coton).
Les hommes Touaregs n’enlèvent que rarement leur Tagelmoust : pour manger, ils le soulèvent de la main gauche et mangent de la main droite. Devant un ami ils peuvent se dévoiler, mais se recouvriront aussitôt en présence d’un inconnu.
Dans la culture touarègue, les femmes ne sont pas voilées : elles se drapent d’un long tissu coloré appelé Tassaghnest, en coton ou en lin lorsqu’il est teinté d’indigo, porté par-dessus une longue robe. Elles portent souvent des bijoux, et se maquillent lors des fêtes traditionnelles.
La rencontre avec nos hôtes Touaregs lors des randonnées au Sahara algérien est une fabuleuse ouverture sur la richesse de tout un peuple et sur la culture touarègue, belle et raffinée. L’artisanat touareg est emblématique de ce raffinement.
À l’origine, l’artisanat touareg consistait à fabriquer des selles de chameaux en cuir puis des ustensiles de la vie quotidienne : cuillères et tasses en bois. Puis les artisans ont commencé à travailler le métal.
Le cuir, le métal et le bois restent aujourd’hui les trois matériaux utilisés dans l’artisanat touareg.
Les artisans sont appelés « forgerons » chez les Touaregs. Ils fabriquent encore aujourd’hui tous les objets de la vie domestique : ustensiles de cuisine, meubles, lits, piquets de tente, outils, armes, bijoux, tout ce qui est utile pour la vie pastorale avec les troupeaux…
Le travail du cuir est réservé aux femmes et celui des métaux est réservé aux hommes.
Le cuir est à la disposition de tous les éleveurs. Les peaux de chèvres sont utilisées dans leur couleur naturelle ou teintées. Les artisanes s’en servent pour fabriquer principalement des coussins, des sacs et des portefeuilles.
Les hommes travaillent le métal (alliages, argent, cuivre) pour fabriquer des objets utiles de la vie quotidienne ou décoratifs. L’artisanat touareg est très réputé pour ses bijoux, mêlant argent, ébène et cuir. Ces savoirs ancestraux, véritable héritage traditionnel de la culture touarègue, sont transmis de génération en génération. La transmission de l’artisanat touareg commence dans la famille.
Dès 6 ans, les garçons quittent petit à petit leur mère pour fréquenter la forge. Lors de leur apprentissage, ils commencent toujours par travailler le bois, avant d’essayer le fer puis l’argent. Comme l’apprentissage se fait dans un contexte familial, les enfants sont souvent influencés par la spécialité de leur père, continuant presque toujours dans la même voie.
Les filles, quant à elles, restent toujours avec leurs mères qui travaillent le cuir au sein même de la tente familiale. Constamment en contact avec le travail du cuir, c’est en observant et en tentant d’imiter leur mère que les jeunes filles commencent à se former de manière informelle.
Les bijoux sont très importants dans la culture touarègue : ils sont esthétiques évidemment, mais pas que ! Ils jouent un rôle de protection (de la maladie, du malheur et du mauvais œil…), comme des amulettes. Femmes et hommes en portent. Ils peuvent aussi évoquer le rang social. Vous verrez que les chauffeurs, guides, chameliers, cuisiniers, qui nous accompagnent au Sahara algérien portent toujours des amulettes et des bijoux Touaregs : bracelets, pendentifs, bagues… et les chameaux, nos compagnons de route en randonnée chamelière, sont parés de selles en cuir typiques de l’artisanat touareg.
Au cou ou aux bras, les Touaregs portent souvent des petites bourses de cuir contenant des feuillets où sont inscrits des versets du Coran ou des formules sacrées (voire magiques).
Les forgerons ont aussi en charge la fabrication des boîtes de pèlerinage : elles sont en bois, parfois recouvertes de cuir, de taille plus ou moins importante, et sont décorées de fer et de laiton. Les pèlerins les utilisent pour transporter les objets qu’ils amènent. Et ce sont eux aussi qui fabriquent la Takouba, l’épée traditionnelle touarègue, symbole d’honneur et de liberté, symbole des « Hommes libres » comme se définissent profondément les Touaregs.
Chez les Touaregs, le mariage est une fête traditionnelle importante de la culture touarègue, un moment privilégié de convivialité, de joie, de fraternité. Le mariage est très ritualisé dans la culture touarègue.
C’est le futur marié ou sa famille qui demande la main de la future mariée à sa famille. Si les deux familles sont d’accord pour l’union, elles s’entendent sur la Taggalt (la dot) et le mariage est alors noué. La dot est un don que fait la famille du futur marié à la future mariée.
La Tagalt est composée de vêtements, de parures, et souvent d’animaux. Son « montant » est défini selon les coutumes particulières de la tribu ou de la famille, et du rang social de la jeune fille. Au sein d’une même famille, une même Taggalt est définie de mère en fille, y compris en cas de remariage. Aujourd’hui, la Taggalt peut-être une somme d’argent.
La famille de la future mariée doit fournir la tente touarègue (ou la case) avec toutes ses décorations car dans la culture touarègue, la tente est toujours la propriété de la femme.
Les jeunes mariés se vêtissent de vêtements traditionnels, et le futur marié porte la Takouba, le sabre touareg, en signe de maturité, sagesse et protection. La jeune mariée porte une tunique touarègue traditionnelle, des bracelets et boucles d’oreille en argent, et est maquillée par des femmes de la tribu spécialement pour l’occasion.
Traditionnellement, ce sont les femmes qui annoncent la célébration des noces par des chants spécifiques appelés Erwen. La célébration des noces dure sept jours : en général, les trois premiers jours sont pris en charge par la famille de la mariée. Puis le quatrième jour, la mariée quitte sa famille pour rejoindre la famille de son époux, c’est la Tăẓlit, la séparation. Ainsi, c’est la famille du marié qui s’occupe de la célébration les trois derniers jours. Chez les nomades du désert, le moment de cette séparation peut intervenir plusieurs mois après les noces.
Chaque étape de la noce (cortège de la mariée, préparation des repas, montage de la tente nuptiale, etc.) est ponctuée par des chants traditionnels spécifiques appelés Âléwen. Dans la culture touarègue, le mariage est traditionnellement très onéreux pour le marié et sa famille. C’est ainsi que les cérémonies de mariage sont devenues collectives, et c’est l’ensemble de la communauté qui participe aux frais. Mais les rituels comme la préparation de la mariée, les repas de noces et les chants qui accompagnent les noces sont toujours conservés.
Vous pouvez regarder le court métrage de Halidou Mamadou et Jaloud Zainou Tangui : Le mariage de la jeune fille chez les Touaregs de l’Azawak
Ne te lasse jamais de crier ta joie d’être en vie, et tu n’entendras plus d’autres cris.
Proverbe touareg
Les randonnées au Sahara algérien sont toujours teintées de l’âme touarègue et de la culture touarègue.
Ce sera aussi l’occasion de goûter à la fameuse Taguella, une épaisse galette fabriquée à base de farine de céréales (blé, mil…), cuite sous les cendres, dans le sable. La Taguella est le « pain des Touaregs » et dans la culture touarègue, c’est une nourriture noble et essentielle.
Une fois cuite, la Taguella est émiettée en petits morceaux et elle se déguste en la mouillant dans un bouillon : bouillon de viande, de millet. La dégustation de la Taguella est évidemment accompagnée des traditionnels thés, selon le rituel de la cérémonie des trois thés.