Le cheval islandais est une race unique. On l’appelle Hestur en islandais. C’est l’unique race chevaline originaire d’Islande et l’unique race de chevaux présente en Islande.
Le cheval islandais est pour les Islandais autant incontournable que le sont les volcans et les glaciers de l’île : tout comme les Islandais ont un lien particulier à l’environnement naturel dans lequel ils vivent, ils entretiennent un lien très particulier avec le cheval islandais.
Depuis le peuplement de l’Islande, le cheval islandais est le compagnon indispensable de l’Homme : dans un pays au climat si rude et au relief si accidenté, la vie et la survie des Hommes sur l’île a été pendant des siècles directement dépendante de la présence du cheval islandais. Aujourd’hui encore, le cheval islandais joue un rôle majeur dans la vie sur l’île.
Pour savoir comment les chevaux sont arrivés en Islande, il faut donc revenir à la colonisation de l’Islande.
On dit souvent que ce sont les Vikings qui sont arrivés les premiers en Islande, mais entendons-nous sur le terme « Vikings » : les Vikings étaient des pillards scandinaves. Or contrairement à d’autres îles colonisées par les Vikings, l’Islande n’était pas peuplée à leur arrivée donc on ne peut pas parler de pillages : ils seraient donc plus juste de dire que l’Islande a été peuplée par des Scandinaves, et non des Vikings !
En réalité, même si certaines personnes qui ont colonisé l’Islande avaient peut-être participé à des opérations Vikings dans d’autres pays, ils sont venus en Islande en tant que famille de fermiers désireux de s’installer sur une nouvelle terre pour y vivre une vie nouvelle.
D’après Landnámabók, le « Livre de la colonisation », datant du début du 13e siècle, c’est Naddodd le « Viking » (scandinave) qui a découvert l’Islande en 830 alors qu’il faisait route vers les îles Féroé. Naddodd découvrit l’Islande mais ne s’y installa pas. Puis le Suédois Garðarr Svavarsson arriva vers 860, établit une petite colonie dans le Nord de l’île, sur les rives de la baie de Skjálfandi (équivalent aujourd’hui de la ville de Húsavík), et repartit lui aussi, laissant sur place Nattfari, un membre de son équipage, un esclave et une servante. Il est très probable que des chevaux aient été amenés en Islande par l’équipage de Garðarr Svavarsson dès 860.
Flóki Vilgerðarson entreprit la colonisation de l’Islande en 868. Il resta plus longtemps que les deux premiers explorateurs scandinaves et établit une communauté à Borgarfjörður, sur la côte Ouest de l’île (il fut d’ailleurs « piégé » dans le fjord par les glaces hivernales). À son retour en Norvège, il parla d’une terre inhospitalière et glaciale mais les récits élogieux qu’en firent Herjolf et Thorolf (deux membres de son équipage) incitèrent des Norvégiens à émigrer vers cette nouvelle terre baptisée « Iceland » par Flóki.
Comme relaté dans Landnámabók, le véritable premier colon historique de l’Islande semble être Ingólfr Arnarson qui arriva vers 874, avec son frère adoptif Hjörleifr. Ils auraient alors rencontré des moines ermites irlandais, les papar, vivant déjà sur l’île mais qui visiblement la quittèrent, ne souhaitant pas vivre avec des païens. Apparemment, Hjörleifr et un groupe d’hommes furent assassinés par les esclaves qu’ils avaient amenés d’Irlande. Ingólfr Arnarson poursuivit les esclaves et les tua. En 874, il fonda une communauté dans l’actuelle ville de Reykjavík.
Le tableau représentant l’arrivée d’Ingólfr Arnarson sur le site de la future Reykjavík en 874 est exposé au musée de Viðey, une petite île située à 5 km de Reykjavík. C’est d’ailleurs sur cette île de Viðey que se trouvent les œuvres d’art Friðarsúlan (Imagine Peace Tower) de Yoko Ono en hommage à John Lennon, et Áfangar de Richard Serra. Voici un site à parcourir si vous êtes intéressé : île de Viðey.
C’est visiblement depuis 874 que l’Islande fut véritablement colonisée et continuellement habitée.
D’autres colons arrivèrent et il est dit dans Landnámabók que vers 927, le peuple islandais envoya un homme du nom de Ulfljot en Norvège pour qu’il élabore un code juridique islandais inspiré du système juridique norvégien. Il revint en 930 et remit le code à Alþingi, l’assemblée générale des hommes libres d’Islande, c’est à dire le parlement islandais. L’Islande fut alors divisée en 36 principautés (ou districts) dirigées et représentées par un chef à l’assemblée Alþingi afin d’établir une communauté islandaise pacifique et harmonieuse. 930 est donc officiellement la date de la fondation de la nation islandaise et de l’État libre islandais. Alþingi est considéré comme le plus ancien parlement d’Europe voire du monde.
Il n’y avait pas de cheval indigène en Islande, mais les chevaux nordiques, ancêtres du cheval islandais, sont arrivés par bateaux probablement entre 860 et 930, en même temps que les premiers colons scandinaves. Puis les colons venus de l’île de Man, d’Écosse et d’Irlande sont venus avec des poneys (Shetland, Highland, Connemara) : ils furent croisés avec les chevaux nordiques et ce sont les chevaux issus de ces croisements que l’on appelle Hestur.
Le cheval islandais a toujours eu une place majeure dans la société islandaise. Certaines des premières lois définies par Alþingi concernaient d’ailleurs les chevaux. Par exemple, si quelqu’un montait le cheval de quelqu’un d’autre, il était condamné à l’exil temporaire. Et même : s’il le montait en dehors de la principauté (district) dont le cheval était originaire, le cavalier pouvait être condamnée à l’exil à vie.
Les Islandais essayèrent de croiser le cheval islandais avec une race orientale (par introduction de sang) mais vu les conséquences dramatiques sur la race (dégénérescence rapide), dès 982, Alþingi (le parlement islandais) vota une loi interdisant le croisement et l’importation de chevaux en Islande. C’est grâce à cette loi (toujours en vigueur aujourd’hui) que le cheval islandais, Hestur, est l’une des races les plus pures au monde.
Plus tard, d’autres lois ont été votées, comme par exemple l’interdiction de faire revenir un cheval islandais qui aurait quitté l’Islande (même pour une compétition officielle !), la réglementation très stricte concernant l’importation du matériel d’équitation pour protéger le cheval islandais des agents infectieux, etc.
Les sagas islandaises, ces grandes histoires transmises oralement, commencèrent à être rédigées en langue islandaise aux 12e et 13e siècles. Íslendingabók et Landnámabók, puis les célèbres Saga des Volsung, Saga de Ragnar Lodbrok, l’Edda de Snorri (Edda en prose) et l’Edda poétique, la saga de Njál, de Hrafnkell, de Grettir… ont alors fourni des sources d’information considérables sur la vie des Islandais, les croyances et coutumes islandaises.
Le premier cheval islandais connu est une jument du nom de Skálm qui apparaît dans Landnámabók : là où Skálm s’arrêta et se coucha, le chef de la troupe, nommé Seal Thorin, fonda une colonie.
Dans tous ces écrits, on a pu mesurer l’importance capitale et vitale (pour l’Homme) du cheval islandais, tant pour les conflits et guerres que l’Islande traversa au cours de son Histoire, que pour la vie quotidienne des Islandais. Le cheval islandais était, pendant de nombreux siècles, l’unique moyen transport dans les paysages islandais (transport des cultures, du poisson, des marchandises et des habitants) et il a été fort sollicité pour l’agriculture (travail des champs et gardiennage des troupeaux). À travers les Livres et les Sagas, on comprend que les Islandais considéraient le cheval islandais avec le plus grand respect et d’ailleurs, il était très courant que les guerriers islandais soient inhumés avec leur monture.
La sélection naturelle a joué un rôle majeur dans le développement de la race Hestur. La rudesse du climat islandais et le manque de nourriture ont contribué à ce que le cheval islandais soit robuste, endurant, résistant, avec une véritable force de caractère.
Jusqu’au début du 14e siècle, le climat étant plus doux qu’il ne l’a été par la suite, les éleveurs islandais sélectionnèrent leurs chevaux sur des critères de couleurs de robe et de conformation (taille, caractère, qualité du crin, etc.). À partir de 1300, le climat devint extrêmement rude en Islande et jusque dans les années 1900, l’Islande connut des épisodes de grande mortalité tant chez les Hommes que chez les bêtes, en particulier chez le mouton et le cheval islandais.
En particulier, les éruptions volcaniques du Laki en 1783 et 1784 décimèrent 70% de la population de cheval islandais et plus de 20% de la population humaine. Il a fallu plus d’un siècle pour que la population chevaline se reforme, et l’élevage n’a repris qu’au début du 20e siècle. En Islande, la première société d’élevage est apparue en 1904 et en 1923 fut établi le premier registre d’élevage.
En 1940, la première automobile arrive en Islande. Petit à petit, les chevaux n’ont plus à jouer le même rôle tant au niveau du travail agricole que du transport de marchandises, d’animaux et de personnes.
Le cheval islandais a commencé à être exporté en Angleterre pour travailler dans les mines de charbon en raison de sa petite taille : il existe peu de preuves de cette exportation. C’est en Allemagne que de manière officielle des chevaux islandais sont envoyés en 1940, puis en Écosse, en 1954, où huit chevaux islandais sont confiés à l’éleveur Stuart McKintosh. Vous pouvez lire les pages 8 à 12 de la revue datant de l’été 1991 de Icelandic Horse Society of Great Britain fondée en 1986, et également le supplément de 2019 de la revue Icelandic horses in the UK : on y découvre plein de photos d’archive !
L’exportation du cheval islandais est allée crescendo depuis la fin des années 1960 et de nombreuses Fédérations du Cheval Islandais ont vu le jour dans de nombreux pays : International Federation of Icelandic Horse Associations, fondée en 1969 par six pays fondateurs et qui regroupe environ vingt pays membres aujourd’hui, Horses of Iceland, Fédération Française du Cheval Islandais, etc.
L’équitation de loisir et les courses hippiques sont devenues très populaires en Islande et depuis 1950, le Landsmót a lieu annuellement : c’est le plus grand événement équestre en Islande et le plus grand événement sportif de l’île qui se déroule en plein air. La première édition de Landsmót se déroula à Þingvellir, la « plaine du parlement » (de quoi faire encore des progrès en langue islandaise : vellir = plaine ; Þing = parlement), le lieu originel de rassemblement de Alþingi (le parlement islandais).
Le cheval islandais, Hestur, est doté de caractéristiques bien particulières.
Façonnés par la nature islandaise modelée par les tremblements de terre et les éruptions volcaniques, le cheval islandais est à l’image de cette nature : tenace, indépendant, fier, capable de déployer une puissante énergie lorsqu’il laisse s’exprimer le feu qui l’habite.
Le cheval islandais est à la fois fougueux et doux. Dans les paysages islandais, il n’a aucun prédateur, ce qui explique sans doute que le cheval islandais, dans son environnement naturel, est confiant, peu farouche, sociable et même curieux ! Il est par ailleurs très confortable à monter pour les cavaliers.
Au fil des siècles, les petits chevaux originels, déjà robustes et endurants, se sont habitués aux conditions climatiques, géographiques et tectoniques particulières de l’Islande. La race Hestur a ainsi développé des caractéristiques bien spécifiques.
Le cheval islandais a appris à se nourrir de lichen, algues marines, débris de poissons… Il est devenu très résistant au froid rigoureux de l’hiver islandais grâce à sa petite taille, un épais manteau d’hiver à double couche, et sa capacité à collecter et stocker les nutriments et vitamines de l’alimentation d’été pour affronter l’hiver.
Le cheval islandais pèse entre 300 et 400 kg et il est donc petit : entre 1,35 m et 1,45 m au garrot. Il a la taille d’un poney mais ce n’est pas un poney ! Les raisons pour lesquelles on ne l’appelle pas « poney » ne sont pas très claires : est-ce tout simplement parce que ce mot n’existe pas en langue islandaise ? Ou parce que le poids et la force du cheval islandais sont caractéristiques du cheval ? Parce que son tempérament et sa personnalité ne sont pas ceux des poneys ?
En tous cas : le cheval islandais est un cheval, pas un poney : pas d’impair ! Et son poids, sa robustesse et sa petite taille lui confèrent les atouts essentiels pour vivre et évoluer en Islande.
Du fait de son exceptionnelle résistance, le cheval islandais a une longévité supérieure à la longévité moyenne des autres races de chevaux : il peut vivre plus de 40 ans, et le record de longévité connu à ce jour pour le cheval islandais est de 59 ans !
Le cheval islandais a également ceci de particulier qu’il présente une très grande variété de robes, avec plus de 40 colorations de base et plus de 100 variantes officiellement reconnues. Les troupeaux de chevaux en Islande sont donc très bariolés ! Hormis le léopard (robe tachetée, comme celle des chevaux de race Appaloosa), toutes les robes sont admises par le standard de la race Hestur.
Les couleurs les plus répandues sont brúnn (marron) et rauður (alezan). L’une des couleurs de robe la plus rare est Litföróttur (Litur = couleur ; för = voyage ; le voyage des couleurs), une variation de couleurs très spéciale dont on sait que si le cheval islandais est paré de cette robe, il changera de couleur plusieurs fois dans l’année (d’où le nom de « voyage des couleurs »).
En langue islandaise, il existe plus de cent appellations pour désigner les robes des chevaux de l’île.
La caractéristique qui rend absolument unique et exceptionnel le cheval islandais est qu’il connaît cinq allures : c’est à dire qu’il est doté de deux allures de plus que les autres races de chevaux : le « tölt » et le « skeið » ou « flugskeið » (skeið = allure ; flug = qui vole).
Traditionnellement, un cheval connaît trois allures : le pas, le trot et le galop, mais le cheval islandais en connaît donc deux de plus.
Le « tölt » est un amble latéral à quatre temps qui allie harmonieusement vitesse et confort : c’est un trot extrêmement doux et rapide à la fois qui permet de couvrir de grandes distances. En pratiquant le « tölt », le cheval islandais a toujours un ou deux pieds qui touchent le sol à intervalle réguliers. Le poids du cheval repose alors sur les pattes arrière, les pattes avant sont donc plus libres et plus légères, conférant de la douceur à cette allure.
Le « skeið » ou « flugskeið », appelé aussi amble volant, est un galop particulièrement rythmé, un amble latéral en deux temps permettant d’atteindre une vitesse de 48 km/h ! Le cheval ne pose que très furtivement les sabots au sol : il semble voler… d’où la dénomination « flugskeið ».
Pour bien visualiser les cinq allures du cheval islandais, voici une courte vidéo bien significative : 5 gaits of icelandic horse.
De nos jours en Islande, le cheval islandais est encore utilisé pour regrouper les troupeaux de moutons qui paissent librement dans les paysages islandais. Quand l’automne arrive, les fermiers partent à la recherche de leurs moutons (qui peuvent être allés très loin !) afin de les regrouper et les rentrer au chaud avant les premiers grands froids : dans certaines zones accidentées du relief islandais, seuls les chevaux permettent à l’Homme de partir à la recherche des troupeaux.
Il n’est pas rare aussi de croiser des troupeaux de chevaux « sauvages » : certains en effet vivent en totale liberté dans la campagne islandaise plusieurs mois de l’année (les mois les plus doux au niveau des températures) et sont regroupés et reconduits aux abords de leur ferme équestre avant l’hiver.
Pour autant, l’évolution du rôle du cheval islandais dans le quotidien de l’île a déterminé d’autres critères de sélection pour la race Hestur : c’est plus la finesse équestre et la qualité de son allure qui sont aujourd’hui recherchées dans le cheval islandais, et la race évolue donc au fil des générations.
On compte aujourd’hui environ 80 000 chevaux islandais en Islande, c’est à dire à peu près 1 cheval pour 4 habitants ! En dehors de l’Islande, la population de cheval islandais est d’environ 100 000, dont 50 000 en Allemagne et 6 000 en France, majoritairement dans le Nord-Est de la Lorraine et en Alsace (du fait de la proximité avec l’Allemagne).
Un beau reportage chez une famille d’éleveurs islandais est en ligne : Islande et ses chevaux, produit par Aligal Production.