Les Bédouins sont, par définition, des populations nomades qui depuis des millénaires vivent dans des régions désertiques.
En effet, le mot Bédouin vient du mot arabe « badiya » ou « bedu » qui veut dire habitant du désert. Tous les déserts et plus généralement toute zone géographique qui peut sembler inhospitalière – immensités de sable, montagnes austères, zone désertique… – sont leur royaume, leur espace de nomadisme et leur habitat de prédilection.
Originaire d’Arabie, les Bédouins sont un peuple arabe et musulman. Ils occupent un vaste territoire dans le Moyen-Orient et dans le nord de l’Afrique : ils sont présents dans le désert du Sinaï et dans la péninsule arabique, en Syrie, au Soudan, en Irak, en Jordanie, en Israël et en Palestine, dans le sud du Maroc et en Tunisie.
Les Bédouins sont extrêmement attachés à leur terre : ils lui vouent un véritable amour.

Selon les sources, les Bédouins seraient entre… 4 et 25 millions !
Au fil du temps, de nombreux Bédouins ont quitté la vie nomade et se sont sédentarisés, mais il existe encore quelques tribus nomades qui vivent de manière traditionnelle. Celles-ci vivent sous des tentes, élèvent des troupeaux de chameaux, des troupeaux de moutons et de chèvres, et se déplacent au gré des saisons en fonction des pâturages. Pour ces peuples nomades, les frontières n’ont aucun sens.
Le désert du Sinaï en Égypte est majoritairement peuplé de Bédouins, originaires d’Arabie – de la péninsule arabique – dont la très grande majorité est sédentaire. C’est pour cela que les Bédouins ne se disent pas égyptiens : ils sont Bédouins, et vivent aujourd’hui sur un territoire qui appartient à l’Égypte, mais ne se sentent pas égyptiens.
Au temps de l’Égypte pharaonique, les habitants du Sinaï étaient appelés les Herochatio, les « maîtres du sable ». Dans la Torah, où ils sont mentionnés, on les appelle les « géants », et au 6e siècle, les écrits les nomment les Arabes de Bani Ismail.

La péninsule du Sinaï en Égypte compte plus de 580 000 habitants (470 000 habitants dans le gouvernorat du Nord-Sinaï et 110 000 dans le Gouvernorat du Sud Sinaï), une grande partie de la population étant concentrée dans les villes du nord, sur la côte méditerranéenne, et dans la plaine côtière qui s’étend le long du golfe de Suez ainsi que dans les zones côtières du golfe d’Aqaba – Dahab, Nuweiba et Taba – à Sharm El Sheikh et Sainte Catherine au pied du Mont Sinaï, et dans les zones montagneuses du centre du Sinaï (Al Hasanah, Wadi Ferran).
Les Bédouins sont regroupés en tribus, elles-mêmes composées de clans subdivisés en familles. Chaque tribu est dirigée par un cheikh, assisté de magistrats coutumiers. De par le monde, il existe plus d’une cinquantaine de tribus de Bédouins. Chaque tribu a sa propre zone d’habitation et ses propres traditions et coutumes. Il existe également des dialectes propres à chaque tribu, variantes de la langue arabe classique.

Les Bédouins du désert du Sinaï sont regroupés en une dizaine de tribus (un ensemble de clans) que l’on retrouve aussi en Jordanie, en Israël et en Palestine.
Dans le Nord Sinaï et le Sinaï central, les grandes tribus de Bédouins ont rejoints des clans et tribus plus petites. La tribu la plus nombreuse, les Suwarka, vit en bordure de Méditerranée, de même que les Qatawiya et les Laheiwat, que l’on retrouve aussi à l’Est de la péninsule du Sinaï, et à l’Ouest, dans la région de Suez, au Nord du golfe de Suez.
La tribu Tiyaha, d’origine palestinienne, présente aussi en Jordanie, occupe un vaste territoire au Nord/Nord-Ouest du Sinaï, et les Bédouins de la tribu Tarabin, d’origine palestinienne également, se sont installés dans le nord-Est de la péninsule du Sinaï mais également au Nord de Nuweiba. Citons également les Aïayda, installés de El-Qantara au Djebel Meghâra
Au moment de la conquête musulmane de l’Égypte, les deux premières tribus bédouines à s’installer furent la tribu nomade des Aleiqat et les Sawalha (regroupant les tribus Awarma, Awlad Saïd, Qararsha) sur la côte Sud-Ouest de la péninsule du Sinaï, puis les Muzeina au Sud/Sud-Est de la péninsule, le long du golfe d’Aqaba, et enfin les Haweitat, une grande tribu nomade d’origine jordanienne qui peuple un grand territoire du Centre-Ouest de la péninsule du Sinaï.
Le quartier du centre-ville de Nuweiba marque d’ailleurs la frontière entre les tribus Tarabin et Muzeina. Le port de Nuweiba, aussi appelé Nuweiba Muzeina, était autrefois le lieu où les Bédouins de la tribu Muzeina passaient l’été. Aujourd’hui, de nombreux Bédouins de la tribu Muzeina sont sédentarisés à Nuweiba, et également à Dahab et Sharm El Sheikh.

Dans le Sud-Sinaï, dans la région de Sainte Catherine et du Mont Sinaï, la tribu des Djebeliah est une tribu à part. C’est la plus ancienne communauté indigène : ils vivent dans cette région depuis plus de 1400 ans. C’est l’Empereur Justinien qui fit venir des familles originaires de Valachie (sud de l’actuel Roumanie), de Bosnie et d’Alexandrie pour servir et protéger les moines du monastère de Sainte Catherine.
Les Bédouins Djebeliah se convertirent très tôt à l’Islam mais continuèrent de tout temps à servir le monastère. Ils sont considérés comme les gardiens et les protecteurs des terres sacrées de Sainte Catherine et de Djebel Moussa (montagne de Moïse). Ils sont d’ailleurs appelés Sebayat el Deir, les serviteurs du monastère. En randonnée dans le Sinaï, nous sommes accompagnés par les Bédouins de la tribu des Muzeina dans le désert du Sinaï, et de la tribu des Djebeliah (Djebeliah veut dire « ceux de la montagne ») dans les montagnes du Mont Sinaï.

La société bédouine a connu de grands bouleversements, notamment avec la conquête ottomane au 19è siècle qui s’est attachée à limiter le pouvoir des tribus bédouines, mais aussi à partir des années 1920 durant la période coloniale, lorsque les Occidentaux (France et Grande-Bretagne principalement) ont commencé à vouloir gouverner les pays arabes.
Traditionnellement, les Bédouins vivaient sous tentes. Ils tissaient eux-mêmes la toile de la tente bédouine, avec du poil de chèvres ou de chameaux. Les tentes étaient divisées en pavillons à l’aide des peaux des animaux (chèvres ou moutons). Le cuir des animaux de leur bétail était utilisé pour fabriquer des gourdes, des sacs, des ustensiles de cuisine… mais aussi pour les parures des chameaux. Le poil des animaux était également utilisé pour la fabrication d’habits et d’objets utiles à la conservation des grains et des farines.

La rencontre avec le mode de vie occidental a amené des voitures qui ont remplacé les dromadaires utilisés pour le transport des hommes et des marchandises, des habitats en tôles puis en pierres qui ont remplacé les tentes bédouines… L’établissement de frontières a contraint les déplacements des familles et des tribus bédouines dans leurs migrations annuelles. C’est toute l’organisation de la société bédouine qui a été bouleversée : de nomades se déplaçant au gré des pâturages, les Bédouins se sont progressivement sédentarisés.
Même si les Bédouins sont très attachés à leurs terres et à leurs traditions et coutumes ancestrales, les décennies de colonisation de l’Occident a très largement contribué à l’évolution des traditions, voire à la disparition de certaines. Pour autant, les Bédouins s’attachent à préserver leurs valeurs, leurs traditions et leur patrimoine culturel.
Parmi les valeurs fondamentales de la société tribale bédouine du Sinaï, on peut citer :
- L’hospitalité et la générosité, surtout avec les hôtes et les étrangers.
- La justice coutumière, riche en règles et en vertus, reconnue par toutes les tribus.
- Le rattachement aux alliances et aux traités établis entre les tribus pour la stabilité de la paix.
- Le rattachement à la descendance et la priorité donnée aux liens du sang.
- La fraternisation entre les tribus, pour consolider les plus faibles.
- Le hissage d’un drapeau blanc pour exprimer la gratitude d’une personne, ou du drapeau noir pour dénoncer les fautifs.
- Le pardon et la dérogation par le plaignant en cas d’incapacité du condamné à payer la pénalité prononcée par le juge coutumier.

La femme bédouine du Sinaï est la colonne vertébrale de la famille, la pierre angulaire de la maison. L’éducation et le soin des enfants lui sont confiés. De plus, elle joue un rôle économique fondamental : l’élevage, l’agriculture, la filature, le tissage et la broderie sont des domaines auxquels elle prend part. Depuis la sédentarisation des tribus bédouines du Sinaï, les domaines de la filature, du tissage et de la broderie, réalisés le plus souvent à la maison, permettent à la femme bédouine à la fois d’élever les enfants et de participer à la vie économique du Sinaï.
La fabrication des vêtements bédouins traditionnels est un art qui reflète l’histoire et la culture des Bédouins de la péninsule du Sinaï. Les femmes fabriquent et brodent les vêtements bédouins traditionnels chez elle, à la main : les couleurs utilisées pour les broderies sont dans les tons jaune, orange, rouge et bleu.
L’habit traditionnel de la femme bédouine du Sinaï est composé d’une longue robe brodée en tissu noir. Cette longue robe portée par les femmes n’a aucun caractère religieux, elle répond simplement aux conditions de vie et conditions climatiques dans lesquelles vivent les populations bédouines du Sinaï : la robe ample et noire permet de mieux supporter les fortes chaleurs et de se protéger au mieux du soleil (contrairement à ce que nous pensons, les couleurs foncées, associées à des vêtements amples sont les meilleures protections contre le soleil et la chaleur !) Lorsque la femme est mariée, les broderies sont à dominante rouge, alors que chez les jeunes filles, elles sont à dominante bleue.
Traditionnellement, les femmes bédouines mariées du Sinaï couvrent leur visage d’un borkoo (ou burqu) dont la forme et les composants indiquent de quelle tribu bédouine elle est issue. De plus, les éléments décoratifs du borkoo indiquent son statut social : des « simples » pièces de monnaie, des pierres ou des perles, de l’argent ou de l’or… Le borkoo de couleur noire est porté par les femmes âgées et mariées, mais jamais par les jeunes filles. La couleur de borkoo la plus répandue pour les femmes mariées mais pas encore âgées est le rouge.
À leurs vêtements traditionnels, les femmes bédouines ajoutent également des accessoires et des bijoux : des parures de tête, des colliers, bracelets, boucles d’oreilles, etc. L’homme bédouin porte une djellaba (ample et confortable, pour les mêmes raisons climatiques) sur un pantalon, et recouvre sa tête d’un Keffieh, un carré d’étoffe maintenu autour la tête par l’ugal, un double cordon traditionnellement tressé en poils de chèvre, aujourd’hui en coton.

À la fin des années 90, en Égypte, dans le Sinaï, un programme a été mis en place pour établir le « protectorat naturel de Sainte-Catherine » dont les objectifs étaient de promouvoir l’artisanat local bédouin, le patrimoine bédouin et la culture bédouine. Ce projet a rencontré beaucoup de difficultés, mais c’est dans ce cadre-là qu’a vu le jour le musée bédouin, situé non loin du monastère de Sainte Catherine, que vous aurez peut-être l’occasion de visiter avec Salech, au cours d’une randonnée dans le Sinaï.
Les femmes bédouines du Sinaï jouent un rôle majeur dans la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel bédouin. Elles savent à la fois utiliser et transmettre un savoir-faire ancestral et le faire évoluer afin de rester en phase avec le monde contemporain.
Portée par le projet de protectorat de Sainte Catherine, Selema Gabaly que vous rencontrerez peut-être à Sainte Catherine, a fondé l’entreprise FanSina (fann Sina veut dire « art du Sinaï »), une coopérative de femmes, dont le slogan est « Bring Authentic Bedouin Art Into Your Everyday Life ».
Les femmes bédouines Djebeliah de Sainte Catherine qui ont intégré la coopérative FanSina sont des maîtres dans l’art de la broderie manuelle et de l’artisanat des perles.
Selema Gabaly a commencé à créer ses collections avec 5 femmes, et aujourd’hui l’entreprise fait travailler plus de 460 femmes bédouines dans toute la vallée de Sainte Catherine. Chaque femme est spécialisée dans un certain nombre de motifs authentiques du Sinaï, inspirés par la culture bédouine, qu’elles déclinent sur des sacs, des portes monnaies, des écharpes, des robes, des coussins, des rideaux, des nappes… Les articles créés épousent la modernité et s’inspirent toujours de modèles traditionnels de la culture bédouine Djebeliah : elles sont la seule tribu bédouine de la péninsule du Sinaï à créer des motifs de broderie non géométriques. Inspirées par les fleurs et plantes des montagnes du Sinaï, leurs délicates broderies florales sont somptueuses.
Selema Gabaly est une pionnière, une entrepreneuse, une cheffe d’entreprise : une femme puissante et remarquable !
Elle est l’une des deux seules femmes d’affaires dans le Sud Sinaï. Aujourd’hui, elle porte l’art bédouin bien au-delà des frontières du Sinaï, au Moyen-Orient, au Proche-Orient et en Europe (quand nous l’avons rencontrée en mars 2025 elle revenait d’une exposition à Dubaï !). Aujourd’hui, FanSina est une source vitale de revenus pour les familles bédouines de la région de Sainte Catherine, en particulier les familles sédentaires du village bédouin de Sainte Catherine, et est devenue un symbole d’émancipation économique des femmes dans la société tribale bédouine.

Lisez le bel article dédié à Selema Gabaly et FanSina : cliquez ici.
Et une vidéo, où vous verrez aussi les somptueux paysages où se niche le village de Sainte Catherine, prémices de ce que vous pouvez vivre au cours d’une randonnée dans le Sinaï : cliquez ici.
Il y a aussi une jeune femme, née au Caire, Rehab Eldalil, photographe documentaire, dont le travail questionne l’identité. Les ancêtres de Rehab sont des Bédouins. À 15 ans, elle a quitté Le Caire pour le protectorat de Sainte-Catherine dans le Sinaï. Elle a été accueillie par une famille bédouine – l’hospitalité étant une valeur fondamentale de la société tribale bédouine – où elle a pu renouer avec les racines bédouines dont elle est descendante. Rehab a participé à une opération visant à ouvrir une clinique gérée par des bénévoles, une initiative lancée en collaboration avec les villages bédouins de Al Tarfa et Sheikh Awad (après la crise covid, la clinique a dû fermer).
Un conseil : parcourez le site de Rahab Eldalil.
En particulier, ses photos pour le projet : The Longing of the Stranger Whose Path Has Been Broken (2018-ongoing) qui explore la notion d’appartenance et l’interconnexion entre les personnes et leur terre, pour lequel elle a travaillé pendant plus de 10 ans avec la communauté bédouine, en particulier la tribu Djebeliah de Sainte Catherine dans le Sinaï, en Egypte.
Et le projet The South Sinai Flora Field Guide (2021-2022) en collaboration avec des Anciens de la tribu Djebeliah, pour développer des archives de la flore du Sinaï.