Sculpté par le désert et l’Islam, par les nuits sahariennes sous la khaïma (tente traditionnelle en Mauritanie) et une volonté légendaire d’être libre, le peuple mauritanien allie des qualités de grande finesse à beaucoup de profondeur, de l’humour, une envie de partager et un sens inné de l’hospitalité.
La Mauritanie a toujours été une passerelle entre le monde arabe et l’Afrique noire.
En 2023, la population de la Mauritanie était estimée à un peu plus de 4,2 millions d’habitants.
85% de la population vit dans le Sud, à savoir sur 20% de la superficie du territoire. En moyenne, la densité de population est de 3,78 hab./km², mais ce chiffre ne veut pas dire grand-chose : dans les régions septentrionales de Tiris Zemmour, de l’Adrar et d’Inchiri la densité est de 1 voire 2 hab./km², alors que dans les régions méridionales comme le Gorgol et le Guidimaka la densité avoisine les 12 hab./km², et 958 hab./km² dans la capitale à Nouakchott !
70 % du peuple mauritanien sont des Maures (ils sont arabes) et 30 % des Africains. Parmi les Maures, se distinguent les Maures blancs et les Maures noirs.
Les Maures blancs sont les Beïdhane, Berbères ou Arabo-berbères. Leur société est structurée par un système de castes. Les marabouts et les guerriers, lettrés, appartiennent à la caste dominante. Les artisans, les griots, les bergers, les cultivateurs et serviteurs sont considérés comme de caste inférieure.
Les Maures noirs, les Haratins, sont les descendants des esclaves noirs affranchis (plus ou moins affranchis en réalité).
Les Africains de Mauritanie sont de différentes ethnies : Toucouleurs, Soninkés, Peuls, Bambara, Wolofs… Les Wolofs et les Toucouleurs sont installés dans la basse vallée du fleuve Sénégal et vivent principalement de l’agriculture et de la pêche. Les Soninkés sont des cultivateurs sédentaires, les Peuls des éleveurs nomades et les Imragens, des pêcheurs sur la côte Ouest.
Les anciennes cités mauritaniennes, Chinguetti, Ouadane… évoquent un long passé de grandes caravanes qui, pendant des siècles, ont sillonné les ergs aux dunes mouvantes et les hamadas de pierres éclatées par la chaleur pour échanger le sel du désert contre le mil de la savane, troquer les étoffes et les poteries précieuses du Maghreb contre l’or du Soudan… mais aussi pour vendre des esclaves.
Pendant des millénaires, sur cette terre, de nombreuses ethnies se sont côtoyées et brassées, des échanges commerciaux se sont opérés, des savoirs intellectuels et scientifiques se sont échangés.
Les randonnées en Mauritanie sont tel un parfum de ce lointain passé.
L’histoire connue du peuple mauritanien remonte à quelques 600 000 années : des fouilles archéologiques permettent d’attester d’une présence humaine aussi ancienne. Mais ce n’est que depuis 8000 ans avant JC que l’on peut caractériser la population : une ethnie noire, probablement ancêtre des Soninkés (ethnie présente en Mauritanie et au Mali), a migré sur la terre mauritanienne qui abritait de nombreux animaux (antilopes, girafes, éléphants, etc.) et permettait ainsi aux chasseurs de nourrir les tribus.
C’est surtout à travers les peintures rupestres et les fragments d’outils retrouvés que l’on sait que ce peuple était un peuple de chasseurs, qui se sont progressivement sédentarisés et sont devenus éleveurs de bovins.
Vient ensuite l’heure d’un premier changement climatique : la sécheresse s’accentue et le désert avance vers le Nord. Des Peuls arrivent de l’Est et s’installent dans le Sud du Sahara (l’Adrar mauritanien), et des Berbères d’Afrique du Nord s’installent avec leurs troupeaux de chameaux et de chevaux (qui ne survivront pas longtemps aux conditions arides du désert). Les ethnies noires sont progressivement dominées par les Berbères d’Afrique du Nord et deviennent leurs esclaves. Au fur et à mesure de l’avancée du désert, les populations se déplacent : les Peuls vont migrer vers le Sud, et les Berbères vers le Nord.
Au 4e siècle après JC, les Soninkés (ethnie présente dans toute l’Afrique de l’Ouest sahélienne) fondent l’empire du Ghana qui prospère grâce au commerce transsaharien des marchandises et des hommes (la traite des esclaves est l’un des commerces les plus importants de l’empire du Ghana).
Au 8e siècle, les Arabes conquièrent les terres berbères du Nord qu’ils intègrent au Maghreb, mais l’empire du Ghana inclut toujours le Sud de l’actuelle Mauritanie. Pour se représenter les choses : le Nord de l’actuelle Mauritanie est sous domination arabe, et le Sud est sous domination ghanéenne.
À partir du 7e siècle, les conquêtes arabo-musulmanes, qui s’appuient sur le commerce transsaharien, marquent l’amorce de profonds changements dans la région.
Sous l’influence des Arabes, les Berbères se convertissent à l’islam sunnite, de même pour les ethnies noires animistes. C’est depuis cette époque, que « Maure » devint synonyme de « musulman », et qu’ainsi « Maure » désigne aussi bien des ethnies d’origine berbère, arabe ou même ibérique. Au 10e siècle, l’ensemble du peuple mauritanien est islamisé. Mais tous ne parlent pas arabe : les Berbères ont conservé leur langue berbérophone, et les ethnies Noires leur langues nigéro-congolaises comme le Soninké, le Bambara, le Wolof…
Au 11e siècle, en 1040, un ensemble de tribus berbères sahariennes qui nomadisent entre le fleuve Sénégal et le Maroc se regroupent et forment la tribu berbère des Almoravides. Ils sont tous issus de la confédération tribale berbère des Sanhadja, l’une des trois grandes confédérations tribales berbères avec les Zénètes et les Masmoudas. Ils s’approprient la notion de jihâd, pour imposer l’Islam dans leur territoire et défendre leur religion contre les envahisseurs extérieurs, en particulier les catholiques espagnols.
Les premières guerres saintes almoravides se dirigent vers l’Afrique noire. Les berbères almoravides arrivent donc aux portes de l’Empire du Ghana. Avec les Noirs de l’Empire du Ghana, ils se rencontrent à Awdaghust (ou Tegdaoust, située dans le Sud-Est de l’actuelle Mauritanie), oasis de première importance sur la route du commerce transsaharien, véritable carrefour commercial incontournable. Awdaghust fut fondée par les Berbères au 9e siècle, puis conquise par l’Empire du Ghana en 990.
À Awdaghust, Almoravides et Noirs de l’Empire du Ghana échangent des matériaux précieux tels que l’or, l’argent, le cuivre… mais bien vite, la dynastie des Almoravides s’empare d’Awdaghust (en 1045). Puis ils progressent encore et prennent l’Empire du Ghana dans sa totalité en 1054 et la ville d’Awdaghust est alors totalement détruite.
Les Almoravides remontent ensuite vers le Nord : ils fondent Marrakech en 1060, qui devient la capitale de l’Émirat Almoravide. En 1120 ils construisent la mosquée Koutoubia à Marrakech. Ils remontent ensuite vers l’Espagne.
En à peine plus de vingt ans, les Almoravides règnent sur la Mauritanie, le Sahara occidental, le Maroc, l’Ouest de l’Algérie, et la moitié Sud de l’Espagne où la politique d’islamisation s’impose : l’Islam sunnite devient la religion de tout cet immense territoire. Maître du commerce transsaharien de l’or, la dynastie almoravide (1040-1147) devient rapidement très puissante et très riche.
À partir de 1126, la dynastie almoravide commence à reculer : d’abord en Espagne, puis en Algérie et au Maroc. En 1147, les Almohades s’emparent de Marrakech et les derniers Almoravides se réfugient aux îles Baléares où ils fondent un émirat qui perdurera jusqu’en 1203.
La Mauritanie quant à elle reste toujours territoire almoravide.
Vers 1400 débute une seconde vague d’arabisation de la Mauritanie : les Hassanes (« les nobles »), arabes originaires de l’Arabie, entrent en Mauritanie, combattent les tribus berbères et intègrent la Mauritanie dans un émirat.
Les Hassanes imposent leur langue, le hassanya, aux populations berbères islamisées, même si celles-ci, comme à leur accoutumée, entrent dans une forte opposition. L’arabe des Hassanes s’enrichit en réalité des dialectes berbères et forme progressivement l’arabe hassanya, la langue que la plupart des mauritaniens parlent encore aujourd’hui. La culture berbère originelle se teinte progressivement mais fortement de l’influence arabo-musulmane, et les langues berbères perdent peu à peu de leur particularités.
Un siècle plus tard, les Berbères mauritaniens ne se distinguent plus des Arabo-Musulmans.
C’est dès le 16e siècle que la société mauritanienne se structure en castes. Les castes les plus élevées sur l’échelle sociale sont les Arabes (les guerriers, issus des Hassanes) et les Berbères (les lettrés et les marabouts). Les ethnies noires, négro-africaines, appelées dès lors les Haratins, sont quant à elles toujours les esclaves des castes les plus élevées.
Jusqu’au 19e siècle, les combats entre tribus berbères et tribus arabes sont continuels.
Le peuple mauritanien est donc un métissage entre les Hassanes arabophones, la population berbère et la population négro-africaine. Les « Maures » sont donc finalement des Arabo-Berbères qui parlent l’arabe hassanya !
Les Maures désignent Chinguetti « ville sainte », et c’est de Chinguetti que partent les pèlerinages à la Mecque. C’est alors que religieux et scientifiques affluent vers Chinguetti et alimentent ses célèbres bibliothèques : lors des randonnées en Mauritanie, si vous passez par Chinguetti, vous visiterez l’une des bibliothèques de la vieille ville.
L’islam est instauré comme religion d’état au 19e siècle par El Hadj Omar, chef de guerre auprès des Maures.
La colonisation européenne débute en réalité au 15e siècle : les Portugais tout d’abord, qui s’installent à Arguin qui devint un comptoir commercial où s’échangent or, gomme arabique et esclaves. Les Portugais sont délogés par les Espagnols en 1580, eux-mêmes délogés par les Hollandais en 1638. Les Français, qui étaient entrés à Saint Louis du Sénégal, prennent les positions hollandaises. Les Anglais le leur prennent, et le leur rendent en 1814 !
C’est en 1858 que les troupes françaises entreprennent de conquérir militairement la terre maure : d’abord le Sud, négro-africain, de 1858 à 1891, puis le Nord, arabo-berbère, de 1902 à 1919. Les Français raccordent alors ces deux territoires qui forment la colonie française de Mauritanie en 1920, rattachée à l’Afrique Occidentale française, et administrée avec le Sénégal depuis Saint Louis du Sénégal.
Ce rapprochement artificiel des deux territoires à des fins coloniales montre bien comment l’esprit colonial fait fi des peuples qui vivent sur les terres colonisées : les Français ont fait cohabiter les populations Maures, historiquement proche de l’Afrique du Nord et des Marocains en particulier, et les populations d’Afrique subsaharienne, proche des populations du Mali alors que ces deux peuples avaient très peu en commun et n’avais jamais fait société. Sans l’intervention coloniale de la France, la Mauritanie en tant que telle n’aurait sans doute pas existé : le territoire aurait été plus naturellement rattaché au Maroc ou au Mali, ou bien le Nord aurait été rattaché au Maroc, et le Sud au Mali.
La 4e Constitution française du 27 octobre 1946 attribue à la Mauritanie le statut de territoire d’Outre-Mer. L’esclavage traditionnel est officiellement aboli, mais demeure ancré dans les mentalités mauritaniennes (l’esclavage avait déjà été aboli en 1905 par un décret des autorités coloniales françaises). Horma Ould Baban, député mauritanien, entre à l’Assemblée nationale française mais il part en exil au Maroc où il crée l’Armée de la libération nationale.
En 1955, le Maroc revendique le territoire mauritanien mais la loi Defferre attribue en 1956 l’autonomie à la Mauritanie. Des conflits éclatent en 1957 entre l’armée française et l’Armée de libération nationale. En 1957, Nouakchott, devient la capitale mauritanienne.
Le 28 novembre 1958, Mohamed V, roi du Maroc, revendique officiellement la Mauritanie mais la Constitution de la 5e République française, proclame le territoire de Mauritanie « République islamique de Mauritanie ».
Moktar Ould Daddah, président du gouvernement provisoire, proclame l’indépendance de la République islamique de Mauritanie le 28 novembre 1960. Une année plus tard, Moktar Ould Daddah est élu premier président de la Mauritanie. La Mauritanie entre à l’ONU, Moktar Ould Dabbah est réélu en 1966 et le Maroc reconnait officiellement la Mauritanie en 1969.
En 1973 la Mauritanie quitte le Franc pour l’Ouguiya qui devient monnaie nationale.
En 1981, la Mauritanie est le dernier pays au monde à abolir l’esclavage, mais les pratiques esclavagistes continuent encore. Le 25 mars 2007, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est élu président de la République lors des premières élections libres depuis l’indépendance et fait adopter une loi portant « incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes ». Le 13 août 2015, Le parlement mauritanien adopte une nouvelle loi contre l’esclavage qui devient crime contre l’humanité et incrimine ses pratiques avec des peines de 10 à 20 ans d’emprisonnement.
Pour autant, en 2018, selon un premier rapport des ONG locales, 90 000 personnes, soit plus de 2% de la population de 2018, sont soumis à l’esclavagisme. Cet esclavagisme concerne majoritairement les Haratins (ethnies noires, négro-africaines) qui travaillent comme esclaves pour les « Maures blancs », c’est-à-dire les Beïdhane, Berbères ou Arabo-berbères. Dans d’autres ethnies noires, en particulier les Peuls, les Soninké et les Wolof, la société est encore structurée sous forme de castes et en un sens, les castes inférieures ont encore un statut que l’on peut assimiler à de l’esclavagisme.
En juin 2018, un article dans le journal La Croix faisait état de 20% de la population qui vivait toujours en esclavage : Mauritanie : « 20% de la population vit toujours en esclavage »
Les derniers chiffres font état, en 2020, d’environ 150 000 personnes (3,1 % de la population mauritanienne) vivant dans des conditions d’esclavage moderne en Mauritanie.
Sur le site des Nations Unies, un communiqué de presse datant de mai 2022 est éclairant : « Un expert des droits humains de l’ONU s’est félicité aujourd’hui des progrès accomplis dans le renforcement du cadre juridique et de l’émergence de la volonté politique en Mauritanie pour lutter contre l’esclavage, mais a averti qu’il reste encore beaucoup à faire. ».
Le communiqué est à lire dans son intégralité sur le site des Nations Unies en cliquant ici.
Les randonnées en Mauritanie permettent d’approcher la terre mauritanienne et le peuple mauritanien.
Apprendre à mieux connaître les traditions en Mauritanie, apprivoiser un désert somptueux et méconnu, découvrir la flore et végétation du Sahara… c’est aussi cela une randonnée chamelière en Mauritanie.
Roselyne Sibille, accompagnatrice L’Ami du Vent, nous partage son récit de voyage dans le désert mauritanien : retrouvez-le sur la page https://www.lamiduvent.fr/recit-de-voyage-dans-le-desert/