La langue touarègue, nommée Tamasheq ou Tamahaq et même Tamajaq selon les variantes, est le lien principal d’unité des Touaregs. D’ailleurs les Touaregs eux-mêmes se nomment les Kel Tamasheq : ceux qui parlent le Tamasheq.
Il existe plusieurs sous-variétés régionales de la langue touarègue, parlées par les différentes confédérations touarègues (une confédération est un ensemble de tribus touarègues). On peut distinguer le Tamahaq, parlé par les Kel Ahaggar (Algérie) et les Kel Ajjer (Algérie et Lybie). Le Tawellemmet est parlé au Niger et au Mali par les Kel Denneg et les Kel Ataram, le Tamasheq est parlé par les Kel Adagh de l’Adrar des Ifoghas au Mali… mais on sait que la langue touarègue est composée de très nombreuses variétés locales ayant chacune leurs spécificités.
La langue touarègue est un dialecte de la langue berbère, et fait donc partie de la famille des langues Afro-asiatique (ou langues chamito-sémitiques). Les langues chamito-sémitiques sont un ensemble de langues parlées au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, au Sahara, au Sahel et dans la Corne de l’Afrique, soit environ 350 langues et 410 millions de personnes concernées.
De manière générale, les berbérophones vivent principalement au Maroc (40 à 45 % de la population) et en Algérie (25 à 30 %, dont les Touaregs dans le Sahara algérien), au Niger, au Mali et au Burkina-Faso (Touaregs), en Libye, en Tunisie et aux extrémités du domaine berbère, à savoir en Mauritanie et en Egypte. Il y a aussi d’importantes communautés berbérophones dans les grandes villes d’Algérie et du Maroc, et aussi en Europe. En France par exemple, il y a entre 1,5 et 2 millions de berbérophones, les deux-tiers d’origine algérienne et le tiers d’origine marocaine.
La langue touarègue est parlée dans un vaste territoire sahélo-saharien : en Algérie, en Libye, au Niger, au Mali et au Burkina-Faso, et aussi au Tchad, au Nigéria, en Mauritanie du fait des migrations de populations touarègues.
La langue touarègue est reconnue « langue nationale » au Niger et au Mali depuis l’indépendance des pays (respectivement 1956 et 1960). En Algérie, le berbère est « langue nationale » depuis 2002 et « langue officielle » parmi les langues au Maroc depuis 2011.
La langue touarègue est parlée par plus de 1,5 million de personnes, dont les deux tiers vivent au Niger et au Mali.
En Algérie, la langue touarègue concerne environ 200 000 personnes, tout comme en Libye. Dans ces deux pays, la langue touarègue est menacée. En effet, le Sud algérien est marqué par une forte migration d’une population arabophone venant du Nord de l’Algérie et du Sahara, et ainsi les Touaregs Kel Ajjers (région de Djanet) et Kel Ahaggar (région de Tamanrasset) deviennent minoritaires sur leur territoire traditionnel.
Vous pouvez regarder le documentaire réalisé pour le programme Sorosoro : Le tamasheq : questions d’identité.
La langue touarègue, en tant que langue berbère, est une langue essentiellement de tradition orale, mais qui pour autant s’écrit. En effet, la langue touarègue dispose d’un système d’écriture parmi les plus anciens de l’Humanité : l’écriture Tifinagh. Les inscriptions les plus anciennes en Tifinagh sont datées, par les archéologues, du 6e siècle avant JC.
Le Tifinagh est encore aujourd’hui utilisé par les Touaregs.
Le père Charles de Foucauld a grandement contribué à la connaissance de la langue touarègue, en particulier le Tamahaq, parlé par les Kel Ahaggar et les Kel Ajjer. Ses ouvrages sont multiples : grammaire et dictionnaire touareg-français, recueils de poésies touarègues, de proverbes et de textes en prose et son œuvre est monumentale !
Il écrivit à sa cousine Marie de Bondy :
Ici ma vie est surtout employée à l’étude de la langue touarègue. C’est beaucoup plus long que je ne croyais, car la langue est très différente de ce qu’on croyait ; on la croyait très pauvre et très simple ; elle est au contraire riche et moins simple qu’on ne pensait.
Père Charles de Foucauld
Le dictionnaire franco-touareg qu’il a rédigé est une œuvre monumentale, d’une qualité exceptionnelle, composée de quatre volumes.
Une version abrégée est consultable en cliquant sur : dictionnaire touareg-français abrégé.
La langue touarègue a des spécificités bien marquées dans l’ensemble des langues berbères.
En particulier : le système vocalique (ensemble organisé des voyelles qui est utilisé) est très différent de celui des Berbères du Nord (Nord de l’Algérie et Maroc), les adjectifs n’existent pas en tant qu’épithètes et le participe verbal est plus complexe (masculin/féminin et singulier/pluriel existent en langue touarègue).
Le système de dérivation linguistique (ajout d’un ou plusieurs préfixes ou suffixes à un radical ou à un mot déjà présent dans la langue ; en français par exemple : mot de base : culture ; dérivations : culturel, multiculturel. mot de base : grand ; dérivations : grandiose, grandiloquent) est très utilisé chez les Touaregs, contrairement aux Berbères du Nord, rendant ainsi la langue très vivante et très riche.
Le lexique de la langue touarègue est également spécifique. L’influence de l’arabe est beaucoup moins importante : de nombreuses racines et termes qui ont disparu ou sont devenus des archaïsmes dans les autres langues berbères sont encore présents dans la langue touarègue.
Un temps de randonnée chamelière au Sahara algérien est un temps de rencontres avec nos hôtes Touaregs et avec la culture touarègue. Comprendre quelques mots de la langue touarègue est vraiment enrichissant pour échanger avec eux !
Bonjour : Salam Aleikoum
Bienvenue : Ma a salama
Comment vas-tu ? Ma toulid ?
Le Bien seulement ! Alkheir ghas (réponse rituelle à « ma toulid », qui signifie «ça va bien »)
Quoi de neuf ? Maïdjiane ?
Où vas-tu ? Manis tikked ?
Que veux-tu ? Ma terid ?
Que dis-tu ? Maténé ?
(À) tout à l’heure : (Ar) Alouak
(À) Demain : (Ar) Toufat
(À) bientôt : (Ar) Assaghat
Aujourd’hui : Ahalouar
Bonne nuit : Ar toufat
Au revoir : Ar akal
Oui : Yo, ayo
Non : Kala
Merci : Tanemert
C’est bon : Azed
Petit : Endoukane
Allons-y : Negla
Homme : Ales
Femme : Tamat
Vieux : Amghar
Vieille : Tamghart
Enfant : Alyad
Pour celles et ceux qui souhaitent se lancer dans l’apprentissage de la langue touarègue… un petit livre :
Chameau de selle : Tarik
Chameau de bât : Amagagou
Soleil : Tafouk
Lune : Ayor
Étoile : Atar
Vent : Adou
Arbre : Achek
Acacia : Aabsagh
Le bois : Icerean
La théière : El barad
Le petit verre (de thé) : Alkasan
Le thé : Ataï
Le sucre : Asukar
Le sel : Desemt
Le pain : Taguella
Viande : Issan
Eau : Aman ; Aman iman : « l’eau, c’est la vie, l’eau »
Boire : Issou
Sieste : Tasonfat
Dormir : Eddes
Je suis en forme : Nek es rer’
Donne-moi de l’eau : Aouid aman
J’ai soif : Nek foudagh
J’ai faim : Nek lozagh
C’est fini ! : Rhalass
Froid : Dsemerd
Chaud : Hami
Beaucoup : Houlan
Doucement doucement : Solan solan
À droite : Arbi
À gauche : M’asti
Tout droit : Me segame
Loin : Ba ide
Je m’en vais : Nek egueler
Je reviens : Nek akalred
Au Sahara algérien, lors de nos errances en randonnée chamelière, ou pendant les temps de repas, de veillées au cœur du désert, apprendre un peu la langue touarègue de nos hôtes est un pur délice ! Un temps de randonnées au Sahara algérien qui se mue en temps d’apprentissage linguistique au cœur du désert, quelle jolie perspective !
Voici un poème du grand poète nigérien du 20e siècle : Kurman agg-Elselisu (1912-1989)
Ghäysha, w’ ézälé, s tu-nega klân.
Netîlweylewiy, gbêlä sollan.
Neghräs-d afär’, iman-nän eknân.
Osé-dd Adälak éhäd, ensân ;
Wen kel-mistäba, ma hän ? Eglân.
Noyäs-du bekhi wa rän emdân ;
Nerkän-tu, wer ehnäffät : yessân.
Nelläm daw ejir d-eyyän ensân,
Nedäs-tät, teg’ éghnewi olghên
De-téri, wäl’ idarän elshân.
Tenn-i-ddu : « Barar, ma tähé ngom
S yegâ mistäba n-elmez yerghân
Degh äddêw bärar d-eshkew idzân
As toyy’ éhäd a-d yezläl, odân
Tellit d-etri, emgharän ensân ?»
Nenn-as : « Ma nära mistäb’ ilghän
Ma dd-yässhêwäd éles d-es izlân ? »
Tenn-i : « Wer när’ arät ki yekmân ;
Enker, tezdem(ä) aläm-näk, onân ;
Äygäs telmed’ as Émeli issân
Ärêgh-k’ yän, nära d’ ér ki-yärân.
Wen kel-ma-hän a dd-yosän, ejnân
De-san-näk, wel-eyyän ki-oyyân.
As t-erâssämän, ghilän, orân ;
Yezzûr ezni, a ghîlän enwân.
Egzârän-ki, ässholân, olân.»
« Yässä d-yällä ed yämma yerghâm
Äyy-én tâttän-i, drâwän, olân,
Ma der d-ekkän azäl der-i gdân ?
Esnat, asäwad, mér di-oyyân.
Wer käm-zé-ttäw’ ar a di-egân
Ess’ élan, äb enfas der-i glân,
Emmîndän ghäsan, éläm elyâm. »
Téné-ta-dä z’ a d-elmäda ssan
Téla wer täh’ ar aläm osân ;
Tellîgläg tewa, daw-es illâm.
As d-es tosäs tämzak d-es igdân.
Tesâknégh s-äkéw n-ebsegh ishwân,
Tegrâw-ki tära n-ér ki-egrân,
Noyy(a) adebbädeb däy-dä yegân.
Ghaïsha, voici l’heure où la torpeur du jour ; poème de Kurman agg-Elselisu
Et voici la traduction en français de ce poème de Kurman agg-Elselisu, Touareg nigérien :
Ghaïsha, voici l’heure où la torpeur du jour
Gagne les campements… Et j’entonne mon chant.
L’amble de mon chameau me donne la cadence.
J’ai traversé le bois, mon âme était paisible.
À la nuit j’ai atteint Adalak endormi ;
Tous les jeunes galants étaient rentrés chez eux.
J’ai approché sans bruit de celle qu’ils chérissent ;
Mon chameau a fait halte en gardant le silence :
Il sait qu’en blatérant il me compromettrait.
J’ai frôlé de ma main une épaule endormie ;
Se sentant effleurée, elle s’est repliée
Sous sa tunique, en se couvrant jusqu’à ses pieds.
« Ami, m’a-t-elle dit, j’ai attendu en vain
À l’heure où les galants devisaient avec feu ;
Tous se pressaient ici ; même les jeunes serfs
Riant sans retenue, étaient de l’assemblée.
Mais toi, pendant ce temps, tu as laissé la nuit
S’assombrir doucement :
la lune et les étoiles
Glissaient vers le couchant et les vieillards dormaient.
– Qu’ai-je à faire, ai-je dit, de ces vains bavardages ?
Que peut en espérer celui qui s’y consacre ?
– Je m’en vais, malgré moi, aviver ta souffrance :
Je te prie d’enfourcher ton chameau bien dressé ;
Mais sache cependant, je le dis devant Dieu,
Que je n’aime que toi et ceux qui te sont proches.
Les galants, ce tantôt, se montraient tous anxieux
De médire sur toi – aucun ne s’en privait.
On croyait des lions avides de ta chair ;
Voyant le sang perler, ils perdaient tout scrupule ;
Leurs propos t’accablaient, rivalisant de haine.
– Je peux imaginer leur perfide babil,
Mais laisse-les parler, ils sont tous méprisables,
Où donc est le bâton dont ils me frapperaient ?
Dès qu’ils m’apercevront, ils fuiront aussitôt.
[Écoute-moi plutôt,] je ne t’oublierai pas
Avant que vienne l’heure où, au fond du tombeau,
Sept ans après ma mort,
ma chair sera dissoute
Et mes os en poussière. »
Ah ! je sais maintenant
Que rien n’a plus de prix qu’un méhari fidèle,
Dont la bosse est dressée et les flancs sont tendus,
Pareils à une natte à la trame serrée,
Sur lequel est sanglée une selle à sa taille,
Qui sait hâter le pas, dès qu’il te voit lever
La racine d’absegh qui te sert de cravache.
Alors, tu vas ta route, aimant celle qui t’aime,
Le pas de ton chameau troublant seul le silence.
Une randonnée chamelière est une occasion unique de découvrir le Sahara algérien mythique. C’est aussi un temps de partages privilégié avec nos hôtes Touaregs qui nous guident lors des randonnées au Sahara algérien.